Communiqué de Presse
CNP Communiqué de presse 27122021
La dérogation accordée aux médecins généralistes pour prescrire de premières aides auditives dès l’âge de 6 ans, déjà renouvelée 3 fois, prend fin le 31 Décembre 2021.
Le Conseil National Professionnel (CNP) d’ORL s’oppose vivement à sa prorogation en 2022
Un succès
Le déploiement du 100% santé auditif, fruit du volontarisme du gouvernement, est un vrai et beau succès. Il peut s’en prévaloir. La très forte augmentation de l’équipement des français en aides auditives ces vingt derniers mois ne peut que réjouir les experts de l’audition que nous sommes. Mais ces bons chiffres ne doivent pas masquer une réalité : l’explosion des ventes est aussi pour partie le fruit d’un effet d’aubaine suscitant des comportements déviants, des surenchères commerciales, des publicités mensongères, des harcèlements téléphoniques, des sur-prescriptions voire des orientations injustifiées des malentendants vers des appareils de classe 2. Il est clair pour nous que la dérégulation instituée par la dérogation de primo-prescription accordée sans prérequis aux médecins généralistes est un terrain de jeu idéal pour certaines officines commerciales mal intentionnées. Partant, regarder le seul nombre d’appareils vendus est un prisme inadapté pour juger du succès de la réforme, alors que des artifices de ventes de deux paires d’appareils font florès et que nombre d’entre eux, prescrits à mauvais escient, sont d’un port erratique voire finissent dans un tiroir.
Le prescripteur doit être le testeur
Nous avons constaté des prescriptions en grand nombre sur la base d’audiogrammes ne répondant pas aux exigences de qualité, exposant à une méconnaissance de solutions chirurgicales alternatives, de causes potentiellement graves de surdité voire de contrindications à l’appareillage. Des liens d’intérêt choquants sont également favorisés et banalisés quand l’audiogramme support de la prescription est réalisé par un audioprothésiste qui est aussi vendeur. Le prescripteur doit être le testeur. Cette formule dont nous avons fait une règle est pour nous intangible. La Haute Autorité de Santé, le CNP d’ORL et le Collège de Médecine Générale avaient bien conscience de ce risque quand ils ont négocié une restriction de la primo-prescription aux patients de plus de 60 ans, un filtre Go/noGo visant à écarter les cas complexes, la réalisation de l’audiogramme par le prescripteur, l’ensemble étant sous-tendu par la validation d’une formation en « d’otologie médicale », théorique et pratique, proposée par les organismes de Développement Professionnel Continu (DPC) de Médecine Générale.
Le DPC d’Otologie Médicale dans l’impasse
Alors que la dérogation est forclose dans quelques jours, il n’y a aucune formation « d’otologie médicale », répondant aux critères définis conjointement définis, déposée sur le site de l’Agence Nationale du DPC. Il faut le regretter. On peut y voir plusieurs raisons :
- Le peu d’appétence pour l’audiométrie qui est source des contraintes matérielles et financières
- Une faible disponibilité pour une pratique longue et peu valorisée (40,81 Euros)
- le risque médico-légal attaché au diagnostic positif et étiologique des surdités
- le manque de temps disponible en zones sous-denses.
- Les difficultés rencontrées par les organismes de DPC de médecine générale pour monter des formations pratiques.
Proroger la dérogation en 2022 serait une grave erreur
Certains voudraient voir cette dérogation, dont on voit bien à la fois les risques et les bénéficiaires, perdurer jusqu’à ce qu’un nombre substantiel de médecins généralistes soient formés. C’est à la fois dangereux et illusoire ! tant que tous les organismes de DPC (ORL ou Universités) ne seront admis à proposer des formations théoriques et pratiques aux médecins intéressés par cette activité (médecins généralistes mais aussi gériatres), ils manqueront à l’appel.
Déroger de nouveau serait une piètre solution en termes de pertinence des soins, alors que ce mot est sur toutes les lèvres, et les mois passés l’ont suffisamment démontré.
C’est enfin une solution coûteuse pour la collectivité qui finance au travers de l’Assurance Maladie et des Mutuelles le 100% santé. Nos tutelles savent parfaitement que les parcours de soins déviants perdureront tant que tous les prescripteurs ne seront pas les testeurs.
Rappelons enfin, pour que ce sujet ne soit pas politique, que la prescription d’une audioprothèse ne peut constituer une urgence et qu’à date le temps d’accès à l’ORL est en moyenne de 19 jours en France, ce qui reste raisonnable. Nous avons l’expertise pour bien faire. Nous avons aussi la volonté de former ceux de nos confrères qui souhaitent nous rejoindre pour une meilleure santé auditive des français, en respectant ainsi les obligations de qualité et de sécurité des soins, au bénéfice de tous. Nous avons été forces de proposition face au défi que constitue cette réforme en posant sur la table 7 propositions permettant aux ORL d’être plus présents aujourd’hui et demain sur ce terrain qui nous est cher. Nous restons pour l’heure dans l’attente des réponses gouvernementales à ces suggestions.
Pr Vincent DARROUZET, Président du CNP d’ORL et de chirurgie Cervico-Faciale et les membres du bureau, le Dr Denis Ayache, le Pr Vincent Couloigner, le Pr Emmanuel Lescanne, le Dr Philippe Letreguilly et le Dr Laurent Seidermann.
Le Conseil National Professionnel d’ORL émane de la Société Française d’ORL, du Collège Français d’ORL et du Syndicat National des ORL
cnp-orl@cnp-orl.fr